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Titre
Albert à Mathilde (1er octobre 1883)
Date
05/10/1883
Lettres Item Type Metadata
Location
Hankou - Chine
Expediteur
Albert
Destinataire
Mathilde
Transcription
Hankou - 1er oct 1883
Bien chère petite mère,
La dernière malle ("l'Amazone") ne m'a rien apporté de vous ni de Jeanne. Seule une lettre d'Emmanuel m'a appris quel heureux évènement vous réunissait tous à Mortice d'où il datait son épître. Le brave garçon a naturellement oublié de me donner tous les détails que j'aurais tant voulu avoir sur les préliminaires etc.
J'ai même dû prendre une ancienne lettre du 6 août pour savoir laquelle des deux sœurs il avait prise [entre Berthe et Louise de Montreuil]. J'ai fini par le savoir au moyen de cette étude comparatrice mais comme il a brouillé les âges et remis en surcharge un nouveau chiffre (...)
Aussi je vous prie vous qui avez la tête plus calme de me donner toute l'histoire bien en détails. Racontez-moi comment grand-mère a pris les choses ... Je n'aurais jamais assez de détails fussent-ils en retard de 3 mois et passablement rétrospectifs. Si le temps et la mémoire vous font défaut, Jeanne et Pierre sont là pour vous aider.
Bien que je n'ai pas eu encore un seul mot de vous au sujet de ce mariage, je pense qu'il vous satisfait entièrement. J'ai moi-même oublié de vous dire que profitant de l'arrivée de mon ami (nom llisible) et de sa jeune femme, ainsi que du passage du capitaine Knights, nous avons fait baptiser solennellement notre Ludovique qui a mangé le sel sans faire la plus petite grimace et a été sage comme une image pendant toute la cérémonie. Elle était tenue par sa maman.
Madame Huard représentait notre mère et le capitaine Knight représentait Emmanuel. Nous sommes enchantés de nos nouveaux amis les Huard. Comme nous ils ont horreur de la société de Hankou et sont fort peu dans le monde. Huard ayant absolument le même goût que moi, nous nous entendons fort bien et nous sommes reçus les uns chez les autres. Nous dînons chez les uns le dimanche et ils viennent à notre table le jeudi. Tout cela à la bonne franquette et sans cérémonie.
Comme ils nous invitent ce soir à un grand dîner de cérémonie avec le consul anglais et sa femme, madame Alibester, nous avons renoncé à y aller hier soir dimanche afin de conserver un peu de liberté.
Madeleine s'entend fort bien avec la jeune femme qui est bonne pieuse et modeste bien qu'ayant le caractère vif et passionné de toutes les créoles. Ils s'aiment passionnément l'un et l'autre. Et cela promet un fort gentil ménage et d'agréables amis pour nous.
Nous les rencontrons presque tous les jours à la promenade, ce qui fait faire une tête fort jalouse à madame Alibaster avec laquelle nous n'avons jamais voulu avoir une intimité aussi serrée. Elle manque complètement de tout et n'a aucune idée de nos usages et coutûmes d'Europe vu qu'elle est née en Chine et n'a qu'une éducation et instruction fort rudimentaires.
Les Huards nous ont déjà parlé de venir vivre au consulat pendant le "tea-season" de l'année prochaine. J'accepterai avec plaisir vu que nous ne savons absolument pas où aller ... laisse encore un 3e été ici.
Nous voici au 1er octobre le mois des promotions et des changements. Aurai-je enfin ma promotion, quant à changer je n'y tiens guère avant 6 mois. Nous venons d'organiser notre salon pour l'hiver de prendre nos rideaux de cretonne rouge à fleurs noirs fort jolis faits ici dans une pièce de 100 m achetée au Bon Marché. À propos, je crains fort que le mariage d'Emmanuel vous ait fait oublier mes commissions, j'ai grand besoin de mes effets d'hiver.
Voici la question sur Tonkin qui s'embouille le général Borel et l'amiral Meyer, se sont pris de bec avec le gouverneur civil Harmand dès le jour de son arrivée. Voici que Borel donne sa démission et part pour la France rendre compte de cette affaire au gouvernement sans intermédiaire.
Je crains fort que cela ne tourne mal contre nous. Monsieur Denice avait décidément beaucoup de chances de succes avec son traité on l'a jeté par-dessus bord. Il regagne de l'influence.
Mille baisers chère mère et à bientôt.
Votre gros.
AAFauvel.
Bien chère petite mère,
La dernière malle ("l'Amazone") ne m'a rien apporté de vous ni de Jeanne. Seule une lettre d'Emmanuel m'a appris quel heureux évènement vous réunissait tous à Mortice d'où il datait son épître. Le brave garçon a naturellement oublié de me donner tous les détails que j'aurais tant voulu avoir sur les préliminaires etc.
J'ai même dû prendre une ancienne lettre du 6 août pour savoir laquelle des deux sœurs il avait prise [entre Berthe et Louise de Montreuil]. J'ai fini par le savoir au moyen de cette étude comparatrice mais comme il a brouillé les âges et remis en surcharge un nouveau chiffre (...)
Aussi je vous prie vous qui avez la tête plus calme de me donner toute l'histoire bien en détails. Racontez-moi comment grand-mère a pris les choses ... Je n'aurais jamais assez de détails fussent-ils en retard de 3 mois et passablement rétrospectifs. Si le temps et la mémoire vous font défaut, Jeanne et Pierre sont là pour vous aider.
Bien que je n'ai pas eu encore un seul mot de vous au sujet de ce mariage, je pense qu'il vous satisfait entièrement. J'ai moi-même oublié de vous dire que profitant de l'arrivée de mon ami (nom llisible) et de sa jeune femme, ainsi que du passage du capitaine Knights, nous avons fait baptiser solennellement notre Ludovique qui a mangé le sel sans faire la plus petite grimace et a été sage comme une image pendant toute la cérémonie. Elle était tenue par sa maman.
Madame Huard représentait notre mère et le capitaine Knight représentait Emmanuel. Nous sommes enchantés de nos nouveaux amis les Huard. Comme nous ils ont horreur de la société de Hankou et sont fort peu dans le monde. Huard ayant absolument le même goût que moi, nous nous entendons fort bien et nous sommes reçus les uns chez les autres. Nous dînons chez les uns le dimanche et ils viennent à notre table le jeudi. Tout cela à la bonne franquette et sans cérémonie.
Comme ils nous invitent ce soir à un grand dîner de cérémonie avec le consul anglais et sa femme, madame Alibester, nous avons renoncé à y aller hier soir dimanche afin de conserver un peu de liberté.
Madeleine s'entend fort bien avec la jeune femme qui est bonne pieuse et modeste bien qu'ayant le caractère vif et passionné de toutes les créoles. Ils s'aiment passionnément l'un et l'autre. Et cela promet un fort gentil ménage et d'agréables amis pour nous.
Nous les rencontrons presque tous les jours à la promenade, ce qui fait faire une tête fort jalouse à madame Alibaster avec laquelle nous n'avons jamais voulu avoir une intimité aussi serrée. Elle manque complètement de tout et n'a aucune idée de nos usages et coutûmes d'Europe vu qu'elle est née en Chine et n'a qu'une éducation et instruction fort rudimentaires.
Les Huards nous ont déjà parlé de venir vivre au consulat pendant le "tea-season" de l'année prochaine. J'accepterai avec plaisir vu que nous ne savons absolument pas où aller ... laisse encore un 3e été ici.
Nous voici au 1er octobre le mois des promotions et des changements. Aurai-je enfin ma promotion, quant à changer je n'y tiens guère avant 6 mois. Nous venons d'organiser notre salon pour l'hiver de prendre nos rideaux de cretonne rouge à fleurs noirs fort jolis faits ici dans une pièce de 100 m achetée au Bon Marché. À propos, je crains fort que le mariage d'Emmanuel vous ait fait oublier mes commissions, j'ai grand besoin de mes effets d'hiver.
Voici la question sur Tonkin qui s'embouille le général Borel et l'amiral Meyer, se sont pris de bec avec le gouverneur civil Harmand dès le jour de son arrivée. Voici que Borel donne sa démission et part pour la France rendre compte de cette affaire au gouvernement sans intermédiaire.
Je crains fort que cela ne tourne mal contre nous. Monsieur Denice avait décidément beaucoup de chances de succes avec son traité on l'a jeté par-dessus bord. Il regagne de l'influence.
Mille baisers chère mère et à bientôt.
Votre gros.
AAFauvel.





