Albert à Simonne (4 avril 1903)

19030404 Albert à Simonne - 01.jpg
19030404 Albert à Simonne - 02.jpg
19030404 Albert à Simonne - 03.jpg
19030404 Albert à Simonne - 04.jpg

Dublin Core

Titre

Albert à Simonne (4 avril 1903)

Date

04/04/1903

Lettres Item Type Metadata

Location

Rio de Janeiro

Expediteur

Albert

Destinataire

Simonne

Transcription

4 Avril 1903 - Rio de Janeiro - 79 Rue 1ᵉʳ de Março

Ma chère petite Simonne,

C’est ton tour aujourd’hui d’avoir pour toi toute seule une lettre de ton petit père. J’apprends avec plaisir par la lettre de ta maman reçue avant-hier que vous allez toutes bien. Et d’après ce qu’elle me raconte de votre vie, vous ne devez pas vous ennuyer à Villers Agron.

Je pense que grâce aux De Bury et à leurs invités vous avez quelques distractions agréables. Voilà Zabeth enfin en possession de sa bicyclette. Dis-lui de ma part de ne pas faire trop d’acrobaties là-dessus, surtout dans les descentes où je lui conseille fortement de ne pas lâcher les pédales pour se laisser aller à toute vitesse. Elle pourrait ramasser ainsi des pelles qui lui causeraient de cruelles déceptions. C’est tentant et j’en ai fait autant. Dans le commencement, l’expérience personnelle ajoutée à celle des autres m’a rendu plus prudent.

À Pétropolis, les brésiliens pratiquent beaucoup le vélo et ils monopolisent les trottoirs au grand ennui des piétons. Un français de nos amis, M. Vadaud, ingénieur civil, représentant ici les usines du Creusot et très connu de M. Merveilleux, m’a proposé de me prêter une de ses deux machines ; peut-être en profiterai-je un jour de congé où il fera beau pour aller avec lui dans les environs. Mais ce doit être assez fatigant car le pays est terriblement accidenté et il fait déjà chaud bien que nous soyons dans l’hiver de l’hémisphère sud.

J’ai justement rencontré ce matin sur le bateau à vapeur l'abbé Jameau venu du joli petit village de Carcatinha (la petite cascade) situé sur un charmant cours d’eau cascadeux à 6 km de Petropolis. Un dimanche qu’il ne pleuvra pas, j’irai assister à sa messe de 9 h et causer avec lui papillons et insectes car il est élève du père David, le grand naturaliste lazariste et il m’a promis d’en ramasser pour le P. de Joannis.

À ce propos je puis me distraire agréablement de temps en temps à Petropolis même en regardant la merveilleuse collection de papillons brésiliens de M. Foetterle (?), un brave autrichien professeur de musique dont j’ai fait la connaissance à Rio où il descend donner des leçons. Quand j’aurai des idées noires, j’irai me ragaillardir chez les Châtenet, des voisins français qui ont une jeune fille élève chez les Dames de Sion et dont la maman et la jeune tante sont très musiciennes. Ce sera plus agréable que devoir jouer aux cartes toute une soirée comme on fait à la légation de France chez M. et Mme Deciais.

J’ai rompu les chiens et déclaré que je n’y connaissais rien. Aussitôt, madame De Speier, femme du ministre de Russie, m’a prié de lui couper les cartes pour lui donner la veine. Aux innocents les mains pleines, pensait-elle. Sitôt dit sitôt fait, mais je me suis immédiatement après sauvé.

Il était 10h 1/2 et j’ai prétexté mon train pour Rio, qui me force à me lever chaque matin à 6h, à la lumière électrique dont je jouis dans la maison que j’habite. J’y remonte tous les soirs car le père De Mais m’a affirmé, comme les médecins, qu’il est imprudent de coucher à Rio. Cela n’arrange du reste rien car les hôtels y sont fort peu confortables et je suis tout à fait bien à Petropolis.

Embrasse bien pour moi, ma chère Simonne, ta petite mère et tes sœurs. Amitiés à Alice de ma part.

Ton petit père qui t’aime, bien fort.

A. Fauvel

Document Viewer